Stendhal

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Mais d'abord, il faut se souvenir de ce qu'est le peuple au début du XIXe siècle, la misère à laquelle il est réduit, l'éducation dont il est privé, ses intolérables conditions de vie, sa vulnérabilité à la maladie, l'alcoolisme, l'insalubrité de l'habitat ouvrier. Telle est la terrible réalité du moment. Le peuple est alors proche de la vision qu'en donne Hugo dans Les Misérables ou Eugène Sue dans Les Mystères de Paris.

Voici par exemple comment un historien évoque la vie des ouvriers sous Napoléon : "La durée du travail quotidien dépasse dix heures; elle va de cinq heures du matin à sept heures du soir en été et de six heures du matin à six heures du soir en hiver, avec deux heures de repas .L'ouvrier est désarmé devant le patron : interdiction des compagnonnages et des coalitions, obligation du livret . C'est à l'âge de douze ans ou quatorze ans que l'on entre à l'atelier, mais dès sept ans certains enfants sont employés dans les fabriques à dévider la laine et le coton. Autant dire que l'instruction est quasi inexistante, la fréquentation d'une école impossible . La combativité n'est pas très développée, la conscience de classe inexistante . Des caves de Lille aux taudis de la Cité, l'insalubrité de l'habitat ouvrier est générale. Le docteur Menuret le constate en 1804."

Stendhal a conscience à la fois de l'injustice faite au peuple et de sa propre impuissance à changer cette situation. D'où son repli sur les "happy few". Ce qui n'empêche pas dans son oeuvre, l'écrivain de prendre parti, et dans Le Rouge et le Noir de témoigner pour "cette classe de jeunes gens qui, nés dans une classe inférieure et en quelque sorte opprimée par la pauvreté, ont le bonheur de se procurer une bonne éducation et l'audace de se mêler à ce que l'orgueil des gens riches appelle la société".

Mais les "happy few", je l'ai déjà noté, ne se recrutent pas seulement dans les couches sociales privilégiées ou même parmi ceux, comme Julien, qui ont eu "le bonheur de se procurer une bonne éducation". La véritable noblesse pour Stendhal c'est celle du coeur. Quel est, dans sa jeunesse, l'homme pour lequel il éprouve le plus d'estime ? C'est le valet de chambre de son grand-père.

Le Grenoblois qui lui paraît le plus noble ? Un ancien laquais. Avec qui se lie d'amitié le jeune Fabrice au château de Grianta ? Avec les hommes d'écurie. Qui est Ferrante Palla, conspirateur et voleur de grand chemin ? "L'homme sublime" de La Chartreuse.

Et lorsque Stendhal déclare abhorrer ce que l'on appelle de son temps "la canaille", ce jugement est singulièrement tempéré par l'admiration qu'il éprouve pendant les trois Glorieuses pour le courage et la grandeur du peuple, "héroïque et plein de la plus noble générosité après la bataille".

Quelles que soient les différences de génie, de tempérament, de vocation entre le dilettante de la chasse au bonheur et un philosophe comme Karl Marx, on ne peut qu'être frappé - et je l'ai été depuis longtemps - par la similitude de l'analyse de la monarchie de Juillet et que l'on retrouve dans le Lucien Leuwen d'Henri Beyle, et Les Luttes de classes en France de Karl Marx.

Реферат опубликован: 11/04/2007