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L'érotisme naît moins de la précision de la description que du choix de quelques détails significatifs et surtout de l'atmosphère créée par le romancier. Il suggère par exemple que Mme de Rénal est frigide avant de connaître Julien. Mariée à seize ans, elle "n'avait de sa vie éprouvé ni vu rien qui ressemblât le moins du monde à l'amour . Ce n'était guère que son confesseur qui lui avait parlé de l'amour, à propos des poursuites de M. Valenod et il lui en avait fait une image si dégoûtante que ce mot ne lui représentait que l'idée du libertinage le plus abject". Après la première nuit passée avec Julien, c'est la révélation soudaine, fulgurante : "Quand il restait à Mme de Rénal assez de sang-froid pour réfléchir, elle ne revenait pas de son étonnement qu'un tel bonheur existât et que jamais elle ne s'en fût doutée."
Pourtant dans ce domaine, Stendhal n'accentue pas le trait.
Par exemple la scène fameuse où, sous le tilleul, Julien entreprend un soir pour la première fois sa tentative de séduction est un chef-d'oeuvre de sensualité diffuse, bien que le seul objectif de l'assaut soit de prendre dans l'obscurité la main de Mme de Rénal et de la garder. Mais l'émotion vient de l'acuité du danger et de l'importance de l'enjeu : "Au moment précis où dix heures sonneront, j'exécuterai ce que pendant toute la journée je me suis promis de faire ce soir, ou je monterai chez moi me brûler la cervelle."
Alors que Mme de Rénal est tout de suite prise par sa passion sans arrière-pensée, sinon sans jalousie et sans remords, alors qu'elle se donne totalement, corps et âme, et qu'elle y trouve un bonheur dont elle n'avait jamais rêvé, à tel point qu'il lui arrive de désarmer la terrible méfiance de Julien, il n'en va pas de même avec l'altière Mathilde, dont l'orgueil livre un combat de chaque instant avec l'amour.
Il s'agit davantage chez elle d'un amour de tête, et lorsqu'elle invite Julien à monter dans sa chambre par l'échelle du jardinier, c'est une épreuve qu'elle lui inflige pour mesurer sa force de caractère - elle a décidé que s'il ose arriver jusqu'à elle au péril de sa vie elle se donnerait à lui -, mais en tenant parole elle croit accomplir un devoir, et le plaisir n'est pas à ce rendez-vous glacé : "C'était à faire prendre l'amour en haine."
Bien que Stendhal, une fois de plus, soit très discret sur le comportement des amants au cours de cette nuit ("Mathilde finit pas être pour [Julien] une maîtresse aimable"), il précise qu'"a la vérité ces transports étaient un peu voulus", suggérant qu'elle reste froide et qu'elle aussi était probablement frigide. Ce qui conduit Julien à s'interroger sur cette attitude et à la comparer avec celle de Mme de Rénal : "Aucun regret, aucun reproche ne vinrent gâter cette nuit qui semble singulière plutôt qu'heureuse à Julien. Quelle différence, grand Dieu ! avec son dernier séjour de vingt-quatre heures à Verrières ! Les belles façons de Paris ont trouvé le secret de tout gâter, même l'amour, se disait-il dans son injustice extrême." Quant à Mathilde, la première exaltation passée, elle tombe dans la plus extrême déception. "Il n'y eut rien d'imprévu pour elle dans tous les événements de la nuit, que le malheur et la honte qu'elle avait trouvés au lieu de cette entière félicité dont parlent les romans."
Реферат опубликован: 11/04/2007